Réalisation : Rafael Romeo Marchent
Avec : Peter Lee Lawrence, Manuel De Blas, Alberto De Mendoza, Rita Velazquez, Gene Reyes
Nationalité : Espagne/Italie
Genre : Western
Durée : 92'
Année de production : 1970
Titre original espagnol : Manos Torpes
Avant toute chose, nous allons élucider le mystère du titre (à la con) français. Bien qu'il s'agisse encore d'une coproduction avec l'Italie, le western de Romero Marchent est avant tout espagnol. D'ailleurs, son casting est presqu'entièrement ibérique. Son titre original est donc Manos Torpes, que l'on peut traduire par "mains maladroites". Si le titre a une logique par rapport à un évènement du film (traduit par "mains raides" dans notre VF), il faut admettre que ce n'est pas le titre le plus vendeur qui soit non plus. Ainsi, les italiens n'ont pas hésité à en proposer un autre : Quando Satana impugno la colt que nous autres français avons repris. Sauf que le traducteur français n'a visiblement pas compris une chose : Satana n'était pas le nom d'un des personnages du film. En fait, Satana en Italien, c'est tout simplement Satan ! En gros, le titre italien voulait plutôt dire qu'il fallait se méfier de l'eau qui dort et que sous son visage d'ange, le héros du film pouvait devenir Satan en personne avec une arme à la main. Sans doute que le traducteur français a cru qu'il s'agissait d'un nom racoleur qui se rapprochait de celui de Sartana et n'a pas cherché plus loin. A noter d'ailleurs qu'en réalité, Peter Lee Lawrence porte dans le film le nom de... Peter. C'était pourtant pas compliqué de ne pas se tromper, non ? Mais soyons justes : peut-être aussi que le traducteur a tout simplement été trompé par une affiche italienne plus que mensongère, puisqu'elle nous présente un Gianni Garko enprunté à l'affiche d'un Sartana... À noter que ce pauvre Peter Lee Lawrence n'aura pas eu la joie d'appararaître non plus sur l'affiche espagnole, et que sur la française, qui est prise d'une autre affiche italienne, on s'est retrouvé avec un cow-boy ressemblant fortement à Anthony Steffen.
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Qu'est-ce donc cette diablerie ??? |
Quoi qu'il en soit, et volontaire ou pas, figurez vous qu'il ne s'agit sans doute pas de la plus grosse bourde de traduction pour un titre. En effet, peut-être que certains d'entre vous connaissent le western Quinto : à ne pas tuer (1969). Encore une fois, Quinto n'est absolument pas un nom, mais veut dire "cinquième". Etrange, direz-vous. En vérité, pas vraiment : cela signifie pour être exact "cinquième commandement". De la bible, évidemment. Le titre aurait donc dû être en français : Cinquième commandement : ne pas tuer. Forcément, c'est tout de suite plus logique. Satan, la Bible... C'est vrai que nous sommes un pays laïque, après tout ! Il doit sûrement y avoir d'autres coquilles de ce genre, si jamais vous en connaissez, n'hésitez pas à en mettre dans les commentaires qu'on puisse rigoler un peu. Et pas forcément dans le western, ni dans le cinéma italien.
Bien qu'il s'agisse peut-être du meilleur western de Romero Marchent, il est loin d'être le plus connu de tous. Au point que la version italienne est tout simplement devenue introuvable depuis des années. Mais par chance, il existait une VHS d'époque en français. Comme souvent, la piste était quand même bien abimée, avec des sauts tout le long, parfois en plein phrase. Des petites phrases, probablement doublée à la base, ont donc sauté au passage. Par contre, il n'est pas impossible que certaines scènes, comme l'arrivée des 4 bandits dans un village infesté par la peste, soit une censure du montage français. Difficile à dire, il est également possible que la version ayant été transférée sur VHS était une version coupée, mais que d'autres copies étaient complètes.
Si le doublage français est donc légèrement incomplet et techniquement très abimé, il est néanmoins excellent avec notamment, pour doubler Peter Lee Lawrence, nul autre que Patrick Dewaere ! Ceci n'était d'ailleurs signalé nul part et j'ai donc été très étonné quand j'ai commencé à écouter la VF. On a souvent entendu Patrick Dewaere sur des films bis italiens, mais c'était généralement sur des petits rôles, comme sur le barbier dans Maintenant on l'appelle Plata (1972) ou un prisonnier dans La Cité de la violence (1970). Ses rôles dans le doublage les plus connus, et les seuls qui sont généralement cités, sont ceux de Dustin Hoffman dans Le Lauréat (1967), puis sur John Voight dans Macadam Cowboy (1969). Pour ceux qui se demandent pourquoi Dewaere n'a tout simplement pas redoublé Dustin Hoffman dans Macadam Cowboy, c'est tout simplement parce qu'il avait moins de lignes de dialogues que John Voight et qu'il gagnait donc moins d'argent pour le doubler. Et oui, il ne faut pas oublier que c'était avant tout un gagne pain pour de nombreux acteurs.
La VF nous permet aussi de retrouver des comédiens que l'on a bien plus l'habitude d'entendre dans le doublage et qu'il ne m'a donc pas été très difficile de reconnaître. Que des noms dont je vous ai déjà abondamment parlé et que vous devriez connaître désormais. Ainsi, Antonio Casas est doublé - comme assez souvent mine de rien - par Jean-Henri Chambois, Luis Induni est doublé par Georges Atlas, Antonio Pica 'un des grands d'Espagne de La Folie des grandeurs !) par Michel Gatineau, Antonio Molino Rojo par Serge Sauvion, Franck Brana par Roger Rudel, Aldo Sambrel par Pierre Garin, Gene Reyes par Gérard Hernandez, Mariano Vidal Molina par Michel Barbey, Yelena Samarina par Paule Emmanuelle, Lorenzo Robledo par Claude Joseph...
J'ai souvent du mal avec les voix féminines, mais même si j'ai eu un doute au départ, Pilar Velazquez est doublé par Francine Lainé, que je considère comme l'une des plus belles voix de notre doublage féminin. Elle m'a notamment beaucoup marqué sur Barbara Bach dans L'Espion qui m'aimait (1977). Pour ce qui est d'Alberto Mendoza, j'avais bien entendu cette voix quelque part, mais impossible de faire un quelconque rapprochement. C'est alors que David, l'oreille la plus fine de l'Ouest du Pecos, a dégainé sans frémir : il s'agissait d'Yves Massard qui doublait notamment et justement Peter Carsten dans Mon nom est Pecos (1966). On peut également l'entendre sur Gino Barbacane dans le second opus, Pecos tire ou meurt (1967). Et c'est grâce à cela que j'ai pu identifier le dernier nom important qui me manquait, celui de l'acteur doublant Alberto De Mendoza. J'avais beau me dire que je connaissais aussi cette voix peu agréable et très nasillarde, impossible de me rappeler où j'avais pu l'entendre auparavant. Devinez quoi ? Lui aussi faisait parti de l'équipe de doublage des deux Pecos, puisqu'il s'agissait tout simplement de la voix française de Robert Wood qui jouait Pecos, soit Alain Nobis ! Comme Yves Massard et Alain Nobis sont quand même des noms plutôt confidentiels dans le doublage, il n'est pas interdit de penser que c'est la même société qui s'est occupé de ces doublages à chaque fois, E.D.P.S., à qui l'on doit notamment la VF du Django (1966) de Sergio Corbucci ou de Danse Macabre d'Antonio Margheriti.
Si le film souffre un peu d'une réalisation qui manque un peu d'éclat et d'une musique très inégale, c'est malgré tout l'enthousiasme qui l'emporte, grâce à son excellent casting, son scénario bien mené, et quelques scènes franchement très inspirées. Je pense notamment à l'entraînement de notre héros par un maître chinois (!!!), ou encore ces scènes dans le village infecté par la peste. On appréciera également sa fin abrupte mais plutôt forte. On notera que le film sait prendre son temps et manquera sans doute un peu d'action pour certains. Pourtant, il n'est jamais ennuyeux et c'est avec grand plaisir que l'on suit l'histoire de ce jeune homme tourmenté par la mort de son père, et qui n'aspire qu'à vivre en paix avec sa belle amoureuse qui, hélas, sera la cible d'un immonde propriétaire terrien sans scrupules. Cette histoire d'amour va donc progressivement basculer en tragédie (comme souvent chez les Marchent), surtout que notre Peter n'a pas beaucoup de répondant puisqu'il déteste les armes. Mais je ne voudrais pas non plus vous gâcher la suite de l'histoire, alors je ne dis plus rien.
Je crois qu'après vous avoir dit cela, il ne me reste donc plus qu'à vous souhaiter un bon film et une bonne (re)découverte.
Merci infiniment .
RépondreSupprimerEncore un inédit (pour moi) qui permet de découvrir ce style à part entière ! formidable travail j'en suis sûr , un grand merci.
RépondreSupprimerGrandement merci pour ce western et les commentaires. Super boulot
RépondreSupprimerIndy ou le plaisir de (re)découvrir certaines pépites du western européen dans les meilleures conditions possibles. Du bonheur !
RépondreSupprimerMerci beaucoup Amigo
En espérant qu'un jour on pourra quand même avoir mieux, que ce soit pour l'image ou le son. Mais c'est plus que regardable ainsi.
SupprimerMerci pour ce beau repack, je ne connaissais de ce film que l'affiche, ainsi que la présentation, toujours rédigée avec soins, et souci du détail, qui demeure toujours aussi intéressante à lire !
RépondreSupprimerOui, il y a quelques petits films de Peter Lee Lawrence qui ont permis - Notamment qui a tué Fanny Hand ? - qui ont permis de réévaluer son talent d'acteur.
En ce qui concerne Marchant, ma foi, on ne pourra que juger sur pièce !
Outre ce, il faut rappeler, c'est utile, je crois, que tu as également une chaîne Youtube, très sympatique, où tu parles d'autres sujets, également, de manière bien convaincante !
Ce serait utile de la mentionner, non ?
Bien à toi,
Tinterora
Ah ah ! Merci, c'est gentil ;)
SupprimerEt oui, pas si mal notre Alain Delon allemand. Beaucoup de films, inégaux, mais il sait toujours faire preuve d'une grande présence. Qui sait la carrière qu'il aurait pu avoir après cette période western. Aurait-il fini dans des épisodes de Derrick ? Aurait-il continué de tourner pour les italiens et les espagnols ? Qui sait ?
Comme toujours une belle présentation qui donne envie, merci du partage. Le lien est dead actuellement, je vais attendre un peu
RépondreSupprimerJ'avais oublié le MP ! c'est bon merci encore
SupprimerTu m'as fait peur !
SupprimerMerci pour ce film avec la sublime Pilar Velazquez
RépondreSupprimeret pour ces détails sur la carrière de Patrick Dewaere que j'ignorais totalement
Sinon il n'y a pas besoin de h à ibérique mais c'est juste un détail
C'est un détail, mais il a son importance car je n'arrête pas de l'oublier ! Merci donc à toi, j'ai corrigé et je vais tâcher de m'en souvenir pour la prochaine fois.
SupprimerPatrick Dewaere fait parti de la fratrie des Maurin (son vrai nom de famille). Leur mère Mado Maurin (qu'on peut voir dans la 1ere pièce de Baffi, "Sexe, mensonge et culture générale") les a utilisé (on peut le dire) dès leur plus tendre enfance. Ils ont tous fait beaucoup de doublage et ceux qui sont toujours parmis nous continue d'en faire. Ainsi, tu avais Yves-Marie Maurin (célèbre pour avoir été la voix de David Hasselhoff) qui nous a quitté en 2009, puis Dominique Collignon Maurin (voix de Nicolas Cage, de Luke Skywalker...) et Jean-François Vlérick (voix de Eric Stoltz, de Martin Short...). Ils ont tourné, avec leur soeur aussi, beaucoup de téléfilms dans leur jeunesse également. Patrick est celui qui a eu la plus belle carrière, mais il était aussi le plus perturbé du lot. Leur mère, c'était quelque chose...
Et oui leur petite sœur, Marie-Véronique, bien trop discrète après un début de carrière fulgurant...
SupprimerMerci beaucoup pour ce nouveau Marchent, pour ce superbe travail et cette présentation... joie !
RépondreSupprimerMerci Indiana pour ce titre qui permet de retrouver Peter Lee Lawrence et toutes les tronches qu'on apprécie ici... Et Pilar Velazquez était vraiment très jolie.
RépondreSupprimerUne bombe atomique. Et avec la voix de Francine Lainé, elle est encore plus sensuelle. Dire que la belle Pilar a 78 ans de nos jours.
SupprimerMerci très fort pour ce western que je désespérais de revoir en vf,j ai un très bon souvenir de ce film vu en 1972,j appréciais bcp Peter Lee Lawrence,j aime bcp aussi la musique du générique de debut!
RépondreSupprimerMerci bcp pour cette découverte.
RépondreSupprimerMerci Indianagilles pour ton travail et ce partage
RépondreSupprimerOh ça fait plaisir un petit spaghetti. Très belle qualité vu le poids plume. Merci beaucoup ! Sylvano.
RépondreSupprimerBravo et merci
RépondreSupprimerMerci bien !
RépondreSupprimerMerci beaucoup pour ce repack en version HD light et pour cette passionnante présentation !
RépondreSupprimerMartin Dollman
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RépondreSupprimerBonsoir Gilles, Un grand merci pour ce western inédit , de production plus Ibérique qu'Italienne, dont la durée serait de 101 minutes pour la version espagnole. (Dizionario del western di Marco Giusti). Cette version HDTV , effectivement n'est déjà pas si mal!
RépondreSupprimerDe rien ! Alors les dictionnaires, il faut prendre ça avec des pincettes. C'est bien la version complète espagnole. Puisque le film a disparu d'Italie depuis longtemps, il ne l'avait sans doute pas vu et ne savait pas vraiment sa durée.
SupprimerMerci pour cette nouvelle trouvaille. Sur les captures j'ai cru que c'était Pascale Petit, il y a un petit quelque chose.
RépondreSupprimerTout à fait, ces mêmes yeux un peu en amande, notamment. C'est marrant que tu parles d'elle, je viens de faire un film pour Le Chat qui fume où elle apparâit (un film de Bava)
SupprimerMille mercis pour cette perle très rare ! Et effectivement, c'est étonnant de voir une aussi bonne qualité avec un poids de fichier très faible. Je me suis franchement régalé à le revoir avec ces très bonnes conditions. Que de choses découvertes grâce à ton excellent blog qui (on ne le répètera jamais assez) est toujours dans un très bon état d'esprit !
RépondreSupprimerUn immense merci pour cette decouverte!
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